Société d'études kantiennes
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Décès de Monique Castillo

30 septembre 2019 à 8:52

Cher(e)s collègues,

J’ai la douleur de vous annoncer la très triste nouvelle du décès de Monique Castillo, survenu dimanche 22 septembre, à la suite d’une intervention chirurgicale au poumon. Nous sommes tous immensément émus. Monique Castillo aura beaucoup compté pour la Société d’Etudes Kantiennes de Langue Française, dont elle était un pilier fidèle, et pour beaucoup d’entre nous, à titre plus personnel, comme femme, comme intellectuelle, comme universitaire et comme kantienne. Elle a contribué à former des générations de kantiens, et, bien au-delà, a encouragé dans la voie de la philosophie des étudiants venus de tous les pays du monde et de tous horizons, dans un esprit rare d’ouverture et de générosité. Elle était à elle seule une fabrique de concepts, une république cosmopolitique, un appel constant, rigoureux et exigeant à la culture. Son dynamisme, sa créativité, sa disponibilité pour des causes multiples auront suscité en nous respect et admiration, au sens kantien de ces deux termes (Achtung et Bewunderung). Nous sommes d’autant plus bouleversés par la nouvelle de sa mort, que le jour même de son intervention chirurgicale, elle disait être confiante, pleine d’énergie et éprouver un vif "désir d’avenir". Elle envisageait fermement de participer au Congrès d’Athènes, qui sera l’occasion de lui rendre hommage.

Pour l’heure, je me permets de vous joindre le texte suivant, extrait de la Conclusion de l’un des nombreux ouvrages de Monique Castillo, Kant et l’avenir de la culture (publié aux PUF en 1990), qui illustre la force toujours dynamique et vivante de sa pensée.

« Kant tient pour l’ennemi du peuple, bien plus que l’ignorance, la dissimulation et l’hypocrisie, qui font douter des droits de la raison elle-même. C’est de la fausseté qu’il convient de libérer la raison populaire, et Kant ajoute à l’instruction la dimension du progrès moral, qui représente l’intérêt suprême de l’usage du savoir. La destination de ce progrès trouve son point d’application dans un avenir que l’éducation a la charge de commencer. Cette conception n’est pas moins populaire, ni moins républicaine que celle de Condorcet, quand elle fait de l’intérêt pratique de la raison ce qui définit plus sûrement la fin dernière de la culture. Cette finalité préserve la valeur normative du progrès de toute annexion positiviste et dogmatique.La construction téléologique de l’Idée d’histoire soutient cette vocation finale […]. Un universalisme juridique conséquent ne peut ignorer les conditions de son accord possible avec l’histoire […]. Ce n’est pas comme un fait, mais comme une fin, que l’accord de la nature et du droit s’établit du point de vue d’une histoire cosmopolitique. Par l’intermédiaire d’une conception téléologique critique de la nature, l’histoire et le droit peuvent se conférer réciproquement une validité objective : une théorie du droit n’est pas simplement formelle, elle peut se constituer comme théorie du droit de l’humanité. Traiter des principes du droit comme des fins n’a pas d’autre condition que de faire du progrès, progrès que le droit ne prétend pas achever, le mode naturel de l’existence d’un être dont la destination est supra-empirique. La manière dont Kant inscrit le droit dans l’histoire ne l’accorde jamais avec aucune époque en particulier, ni avec aucun législateur empirique. A l’idéal du bon législateur, du génie providentiel, se substitue la norme du progrès. Elle soustrait l’Idée à toute idolâtrie des schématisations phénoménales qui en annexeraient la finalité suprême.C’est pourquoi la question d’un accord de l’histoire et du droit ne pourrait être formulée si elle n’avait pour origine un troisième terme : la question de l’homme, celle de la possibilité de l’humanité comme Idée et réalité tout à la fois. La civilisation est conçue comme l’ensemble des artifices qui rapprochent ou éloignent, non du bonheur, mais de la destination morale de l’homme. L’espèce humaine trouve dans le concept téléologique de culture l’expression adéquate de son existence historique, dont l’horizon du droit décrit l’avenir représentable. 
Le genre humain n’est pas unifié par une origine commune, mais par une finalité commune, qui est la tâche de devenir tout ce qu’il peut être, tiré en avant par l’idéal de sa propre perfection. Le moment cosmopolitique de l’organisation des Etats prend une signification culturelle, qui vient rendre exigible la conversion de la causalité naturelle en finalité culturelle. La double acception, juridique et anthropologique, du cosmopolitisme permet de parler d’une conception juridique de la culture et d’une conception culturelle du droit de l’humanité. Le concept de citoyen du monde appelle une représentation anhistorique et transpolitique de la culture, qui se conjoint à son administration juridique critique. Il contient la seule représentation d’une humanité empirique conforme à son Idée. Kant entend faire de cette destination pratique du progrès la source d’une conversion des mentalités. Développer les dispositions de manière finale est un impératif téléologique, qui est, certes, formel, mais qui n’est pas vide, puisque la finalisation continue des facultés correspond, dans la suite infinie des générations, à la finalité dernière de la nature en l’homme. La culture est concevable comme propédeutique à la moralisation de l’espèce, pourvu qu’elle soit comprise comme le devenir-fin d’une fin.Le progrès indéfini, la tâche illimitée de rejoindre une perfection qu’aucun modèle empirique, social, politique, économique, éducatif ou religieux ne réalisera jamais, tous ces concepts font d’un devenir sans terme l’unique mode de réalisation temporelle de l’Idée pure d’humanité […]. Le concept culturel de citoyen du monde enveloppe un droit à un développement final, dont la destination n’appartient pas aux maîtres occasionnels des étapes de la civilisation. La finalité culturelle de l’espèce représente axiologiquement l’humanité comme une communauté, et non comme un ensemble disparate d’intérêts particuliers. Cela n’est possible que grâce à l’unité universelle de la culture des dispositions, qui accorde l’histoire à la destination du progrès. L’être naturel de l’homme est son devenir culturel même […].
Le providentialisme kantien n’indique aucune destination surhumaine. La postérité, dont nos efforts préparent le bonheur, symbolise une Idée à laquelle ne nous lie qu’un devoir. La liberté morale ne s’y trouvera réellement qu’à la mesure de notre contribution, toujours recommencée [...]. 
Cet humanisme culturel n’exalte pas l’égoïsme, ni les faiblesses des individus, il n’en saisit que les moments où, malgré lui, il se surmonte. Sans doute met-il l’accent sur le déracinement continu de l’humanité, sur un passage interminable qui la situe entre ses origines perdues et une finalité certaine, mais peut-être inaccessible. Il lui revient d’en faire l’unique annonce d’un monde qui est celui de tous, par une destination irrémédiablement commune.
L’intérêt philosophique de la pensée kantienne de la culture est de déceler, dans ces oscillations, le mouvement d’une réelle continuité. Les valeurs de la tradition attachent, sans conteste, l’homme à un monde qui est toujours déjà là et qu’il est déraisonnable de quitter absolument. La fidélité à l’origine est l’unité vécue d’une continuité effectivement transmise de génération en génération. Mais l’horizon de la postérité, qui déborde la naturalité du genre, tout en le développant, anticipe aussi un monde. Il s’offre comme une source non déterministe des obligations qui fondent une éthique du semblable. Kant nous y associe par la voie inattendue d’une fidélité à l’avenir ».

Bien cordialement, 
Mai Lequan et l’ensemble du bureau de la SEKLF.


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